L’agriculture biologique est aujourd’hui un acteur incontournable du secteur agricole en Wallonie. Issu d’un mouvement contestataire minoritaire aujourd’hui soutenu et institutionalisé, son développement s‘inscrit dans une volonté socio-politique de répondre aux enjeux environnementaux actuels. Cet article présente les origines du mouvement, son étendue en Wallonie et situe cette approche dans la diversité des modes de production alternatifs existants.
L’agriculture biologique prend ses racines dans l’histoire agricole contemporaine, qui, partant des systèmes d’abatis – brulis, et passant par le développement de l’élevage et des cultures fourragères, poursuit son évolution jusqu’à aujourd’hui. Cette évolution de notre agriculture occidentale est caractérisée par une spécialisation accrue, une mécanisation poussée et une intensification soutenue, rendue possible par l’utilisation d’engrais minéraux et des produits phytopharmaceutiques de synthèse.
Cette vision, que l’on pourrait qualifier de ‘mécaniste’ de l’activité agricole n’est pas partagée par tous. Déjà en 1840 lorsque Justus Von Liebig formule sa théorie sur la nutrition minérale, suggérant que les plantes n’ont pas besoin de fumier pour se nourrir, les tensions sont vives entre les ‘pro’ et les ‘anti’ humus. Les uns considérant l’utilisation de fumier comme indispensable pour la nutrition des plantes, les autres non.
Une des premières personnes à proposer une vision ‘organique’ de l’agriculture est Rudolf Steiner, lors d’un cycle de conférences en 1924 qui servira de base à la méthode biodynamique. En 1928 la société DEMETER est créée pour commercialiser les produits de l’agriculture biodynamique. Cette marque existe encore aujourd’hui.
Vient ensuite Sir Albert Howard qui promeut l’élevage dans les systèmes agricoles et travaille sur la fertilité des sols et le compostage dans les années ’40. Son travail donnera naissance à la Soil Association en Angleterre, association pionnière du mouvement bio qui existe encore aujourd’hui ; et servira de base aux méthodes Lemaire – Boucher qui favoriseront le développement du bio en France.
Le Suisse Hans Peter Rush en 1972 publie un ouvrage sur la fécondité du sol qui influencera les Allemands et l’association Bioland et les Français de Nature et Progrès.
Tous ces précurseurs et les courants qu’ils ont initiés portent leur attention sur le sol, la fertilité du sol, les cycles écosystémiques et l’autonomie des fermes agricoles.
A partir des années ’60, le mouvement bio, à l’origine porté sur des aspects essentiellement techniques, évolue vers un mouvement sociétal refusant le modèle de développement agricole proposé.
En 1969 le premier cahier des charges bio voit le jour en France. Il est porté par Nature et Progrès, une association plutôt anarchiste et libertaire, à l’image des mouvements de contestation étudiants dont elle est issue. La reconnaissance officielle voit son aboutissement en 1988 avec la publication du premier cahier des charges bio et la protection des termes « agriculture biologique » contre des utilisations abusives, obligatoire en 1993.
Le secteur bio poursuit ensuite son développement, avec, à partir des années 2000, un soutien accru des pouvoir publique et une demande croissante. Cette croissance motive de plus en plus d’acteurs de filière préétablis à diversifier leurs activités et proposer une gamme « bio », confrontant les pionniers de ce mouvement contestataire aux logiques de marché qu’ils décriaient.
Cet enjeu de changement d’échelle, de passage d’un marché de niche à des parts de marché plus importantes, constitue à la fois une menace pour le secteur de perdre son âme et sa spécificité, mais aussi une formidable opportunité de proposer une alternative concertée au mode de production agricole dominant.
Différentes approches du bio lui-même existent et d’autres modes de production alternatifs, avec leurs spécificités, cohabitent aujourd’hui dans notre région. La partie qui suit clarifie ces concepts et cette réalité.
L’agriculture biologique, aujourd’hui définie au niveau européen et dans un règlement qui lui est dédié, englobe au niveau mondial différentes approches socio-politiques. Pour les uns elle correspond à ensemble de pratiques définies dans un règlement, alors que pour d’autres elle consiste en un ensemble de valeurs et de principes qui doivent être appliqués en fonction des réalités de chacun.
Cette divergence de point de vue transparait dans les approches normatives du règlement bio européen d’un côté, avec un système de contrôle et de certification organisé et accrédité permettant des échanges au niveau mondial ; alors que d’un autre côté il existe des approches participatives plus adaptées aux petites fermes, basées sur des systèmes participatifs de garantie organisés à une échelle locale. Ces différentes approches (bio « certifié » et bio « non certifié ») sont soutenues indifféremment par la fédération internationale de l’agriculture biologique (IFOAM).
Il existe, dans le paysage des modes de productions agricoles alternatifs, d’autres approches qui coexistent avec l’agriculture biologique. Chacune de ces approches met l’accent sur l’une ou l’autre particularité, certaines se recoupent ou sont complémentaires, rendant parfois difficile leur compréhension et pouvant éventuellement s’affaiblir mutuellement par des comparaisons inutiles.
Notons parmi ceux-ci : l’agriculture paysanne qui met l’accent sur des exploitations à taille humaine et un savoir inscrit dans la tradition ; l’agroécologie : qui met l’accent sur le respect des cycles naturels et une approche systémique globale des systèmes alimentaires ; l’agriculture de conservation et l’agriculture régénérative qui portent leur attention sur la vie du sol et le carbone du sol.
En 2023 la Wallonie compte près de 2000 agriculteurs bio (sur 12 000 au total) ; et 92 000 Ha bio (sur 742 000 Ha au total). La part de marché des produits bio en Wallonie est de 5,1%.
72% des superficies bio sont occupées par des prairies, 22.4% par des grandes cultures et 3.7% par des fruits et légumes. Les produits bio les plus achetés en Wallonie sont les produits laitiers, les fruits et les légumes.
Les tendances de consommations relevées fin 2023 montre que le bio est acheté par de plus en plus de wallons, que celles et ceux qui en achètent déjà beaucoup envisagent d’en acheter encore plus, alors que celles et ceux qui en achète peu envisagent d’en acheter moins. Le prix est un frein majeur à l’achat de produit bio. La santé et l’environnement sont deux facteurs importants de motivation à acheter bio.
Au niveau mondial, l’agriculture bio couvre aujourd’hui 96,4 millions d’hectares soit 2% des superficies agricoles mondiales. En Europe 10,4% des superficies agricoles sont certifiées bio.
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