Mise à jour 3 mai 2024
Avec le réchauffement climatique, les hivers sont plus doux et la nature est de plus en plus avancée. Les épisodes de gel au printemps s’intensifient et provoquent des dégâts catastrophiques sur les cultures de fruits. En 2017, plus de 65% de la récolte belge de pommes a été perdue à cause du gel tardif. Les épisodes de ce mois d’avril vont-ils se reproduire? Comment les producteurs wallons doivent-ils s’adapter? Comment luttent-ils pour protéger leurs cultures?
Sur les 20 dernières années, le cycle de croissance des végétaux est avancé de 1 semaine à 15 jours. Des hivers de plus en plus doux signifient une floraison de plus en plus précoce. De ce fait lors des épisodes de gel du printemps, les fruits sont à un stade de leur développement plus sensibles. En effet, les bourgeons peuvent résister à des températures de -2 à -4 °C alors que les fleurs ne résistent qu’à des températures de -1,5 à -3 °C et les jeunes fruits de -1 à -2 °C.
Auparavant sans conséquence majeure, le gel printanier de ces dernières années agresse à présent la plante à un moment où elle est déjà en période de floraison. Ce n’était pas le cas avant les années 2000: les végétaux étaient encore à un stade de croissance où ils pouvaient davantage résister.
En 2012, 30 % de la récolte de pommes et de poires ont été perdues à cause du gel. En 2017, on parle de 65 % de la récolte de pommes et 20 % de la récolte de poires perdus et en 2020 de 35 % de la récolte de pommes et de 10 % de la récolte de poires.
Toutes les régions peuvent être touchées par le gel, bien que les Provinces les plus concernées sont Namur, Liège et Luxembourg.
La durée de l’épisode de gel et le microclimat du verger sont des éléments déterminants : les vergers situés dans des creux ou sur des sommets venteux sont plus sensibles au gel car la température réellement ressentie est encore plus basse que la température mesurée. Tant la durée que l’importance du gel ont un impact.
« On constate pour un même mois, une grande variabilité d’une année à l’autre. On remarque que certaines années, au printemps, le nombre de jours de gelées tardives qui provoquent parfois des dégâts importants aux cultures fruitières, sont parfois encore assez nombreux. Par exemple, à Ernage, ce nombre se chiffre à 8 jours en 2013 contre 0 en 2011. En 2017, on avait dénombré un nombre également assez élevé de jours de gel dans cette station météo, (6 jours), mais c’était alors l’intensité du gel (jusqu à – 3,4°C le 20 avril), qui avait été la cause d’importants dégâts aux cultures fruitières, d’autant qu’une dizaine de jours plus tôt, les températures étaient déjà printanières avec 22,9°C à Ernage le 9 avril. » Pascal Mormal, Renseignements climatologiques et météorologiques – Institut royal météorologique
Les producteurs disposent de moyens de lutter contre le gel mais ils sont généralement onéreux, d’une efficacité variable et nécessitent beaucoup de travail nocturne pour les producteurs. Seules les variétés à forte valeur ajoutée ont un intérêt à être protégées.
Cette technique est la plus efficace face au gel. Elle consiste à déverser de l’eau préventivement sur la culture, avec un système de pulvérisation par jets brumisant. L’eau gèle alors sur les bourgeons, fleurs ou fruits et forme une carapace qui a un effet protecteur, comme une sorte d’igloo. Cette croûte de protection préservera du grand gel. Ce système est peu utilisé en Wallonie car il nécessite une prise d’eau dans le verger et consomme 30 à 40 m³ d’eau par ha, et les arboriculteurs wallons sont généralement peu équipés de tel système d’irrigation.
Selon le moment où la période de gel se produit, la capacité de résistance des arbres fruitiers sera plus ou moins forte.
3 stades de développement
Généralement, lorsque la fleur est gelée, il n’y a pas de fruits, mais certaines variétés réagissent différemment. C’est comme ça que sur une nuit ou 2, les producteurs risquent de perdre tout ou partie de la récolte.
Si le fruit ou la fleur sont gelés complètement, alors le fruit tombe et la récolte est nulle; si le fruit ou la fleur sont gelés partiellement, alors le fruit sera difforme ou avec une pelure grisailleuse.
Si la fleur d’une Conférence est gelée, il y aura un fruit, mais plus petit et grisailleux. Sur les variétés comme la Doyenné du Comice, lorsque la fleur gelée, alors il n’ y aura pas de fruit du tout.
Lorsque la fleur est gelée, il n’y aura aucun fruit.
Les Saints de glace ne sont pas une légende et désignent les gelées qui surviennent durant le mois de mai. Cette période est particulièrement critique pour les arboriculteurs car le gel risque de s’attaquer aux fruits comme les fraises ou encore aux vignobles.
La framboise est une plante rustique qui résiste aux périodes de gel et qui se développe plus tardivement. Les problèmes de gel printanier ne touchent que les variétés précoces de framboisiers. Ces cultures nécessitent beaucoup de main d’œuvre et une vigilance face aux agents pathogènes extérieurs.
Les légumes peuvent aussi souffrir du gel printanier, d’autant plus que, comme les hivers sont de plus en plus doux, les maraîchers ont tendance à semer leurs légumes en pleine terre plus tôt et ceux-ci ne résistent pas au gel.
Les variétés à floraison plus tardive, comme les pommes Gala ou Golden, sont moins sensibles au gel. Les variétés dites parthénocarpiques (en poires, par exemple les Conférence et Durondeau) sont aussi plus résistantes car il est possible d’avoir des fruits même si les fleurs sont gelées. Par contre, les variétés triploïdes de pommes comme les Jonagold ou les Boscoop sont très sensibles au gel.
Pour les cultures de cerisier, prunier, abricotier, il est fréquent de choisir des variétés à floraison tardive.
Conséquence du changement climatique, une des nouvelles orientations est de travailler avec des variétés d’arbres fruitiers plus tardives, c’est-à-dire dont la floraison arrive plus tard. Le désavantage des variétés tardives est qu’elles se développent en même temps que ses (insectes) ravageurs, alors que les variétés précoces sont déjà assez développées avant l’apparition de ces derniers. Le producteur doit donc jongler entre variétés précoces moins exposées aux ravageurs mais bien certaines années aux dégâts de gel et variétés tardives mieux protégées du gel mais exposées aux ravageurs.
De plus, afin de se différencier et créer une valeur ajoutée sur le marché, la recherche agronomique travaille actuellement sur des essais de variétés tolérantes à la tavelure, et gustativement intéressante. Elles sont actuellement principalement destinées à la commercialisation en circuits courts.
Le producteur doit avoir une excellente connaissance de son verger, de l’exposition, du micro-climat sur l’exploitation, du degré d’exposition au vent et des températures ressenties. Il doit en conséquence choisir les variétés les plus adaptées à son verger.
C’est pourquoi, pour les aider dans leurs prises de décision, les producteurs wallons sont entourés par des acteurs privés et publics, tel que les institutions, les centre-pilotes, les organismes de recherche agronomique… Les producteurs reçoivent à la fois des avertissements quant aux épisodes météo, mais aussi des conseils adaptés pour les aider à gérer au mieux leurs productions.
Le métier d’arboriculteur est plein d’incertitude car en quelques jours une grande partie, voire toute une récolte annuelle, peut être perdue. Planter un verger est un engagement d’une vie car, en fonction des variétés un verger de pommes dure 40 ans et un verger de poires 60 ans. Les arbres commencent à produire de fruits comestibles vers 5 ans et atteignent leur optimum vers 15 ans.
Sources