Le principe de base de la gestion des maladies et ravageurs en agriculture biologique est d’observer, de comprendre et d’agir sur les causes des problématiques rencontrées. L’agriculteur va chercher des solutions structurelles (agir sur la structure, l’organisation de la production) pour gérer les problèmes rencontrés.
« La prévention des dégâts causés par les organismes nuisibles et les mauvaises herbes repose principalement sur: les prédateurs naturels ; le choix des espèces, des variétés et du matériel hétérogène ; la rotation des cultures ; les techniques culturales telles que la biofumigation [1], les méthodes mécaniques et physiques ; et les procédés thermiques tels que la solarisation [2] et, dans le cas des cultures protégées, le traitement superficiel des sols à la vapeur (jusqu’à une profondeur maximale de 10 cm).» [3]
Par exemple dans le cas d’une problématique de mildiou sur pomme de terre [4] l’agriculteur bio va réfléchir aux conditions d’apparition de la maladie et à son cycle de développement pour pouvoir agir prioritairement sur ces facteurs en modifiant ses pratiques ou en choisissant d’autres variétés.
Si ce changement de pratiques ne suffit pas à gérer le problème, l’agriculteur bio peut alors utiliser des produits de manière préventive (avant l’apparition de la maladie) ou curative (une fois la maladie déclarée). Citons parmi ceux-ci : le cuivre pour protéger les cultures de pommes de terre contre le mildiou, le phosphate de fer (granulés bleus) pour gérer les populations de limaces ou l’huile essentielle d’orange pour gérer l’oïdium [5] sur différentes cultures légumières.
Une liste exhaustive des produits de protection des plantes utilisables en agriculture biologique, ainsi que leurs différentes utilisations est disponible sur le site fytoweb.be [6] [7]
L’utilisation de certains de ces produits comme le cuivre ou le spinosad [8] est controversée de part leurs impacts potentiels sur l’environnement et sont autorisés parce qu’il n’y a pas (encore) d’alternatives jugées crédibles par le secteur à leurs utilisations [9].
« Je suis responsable du suivi des maladies et ravageurs à la ferme. Je fais 1 tour du champ par semaine, parfois 2 pour observer les différentes cultures, identifier les problèmes à gérer et établir des profils de traitement. J’évite les traitements curatifs, je suis plus dans le préventif, en lâchant des auxiliaires [10] et en utilisant des chélates [11] et des produits à base d’algues afin de renforcer les végétaux pour avoir une plante saine et résistante qui sera moins sujet aux maladies. Dans certains cas j’utilise des produits, par exemple le spinosad pour gérer un problème de pucerons sur des choux en plein air. »
Dany PASCOLO – La Ferme du Peuplier
En agriculture bio, il peut exceptionnellement arriver de devoir utiliser des pesticides, mais uniquement lorsque ce n’est pas possible de faire autrement. Les produits autorisés sont repris dans une liste restrictive [6] [7] et leur utilisation n’est possible que sous certaines conditions [3].
[1] Biofumigation : Pratique agronomique qui consiste à broyer des crucifères (ex : moutarde) très finement puis à incorporer au sol ce broyat en condition chaude et humide. Ce broyat va dégager un gaz toxique qui permet de réduire des populations de Verticillium, un champignon présent dans le sol néfaste aux cultures. Voici une vidéo de l’Agroscope qui explique cette technique : https://www.youtube.com/watch?v=LLE00x7o8ik
[2] Solarisation : Pratique agronomique qui consiste à poser une bâche plastique transparente sur un sol gorgé d’eau durant une période de 4 à 8 semaines. Cette technique nécessite des conditions ensoleillées. La température du sol va monter et va réduire les populations d’organismes nuisibles ainsi que les graines de mauvaises herbes présents dans le sol. L’utilisation de cette technique est controversée (tout comme le traitement superficiel du sol à la vapeur) en agriculture biologique car elle réduit également certaines populations d’organismes bénéfiques du sol. Voici une vidéo de Best4Soil qui explique cette technique : https://www.youtube.com/watch?v=ahETB7JAor4
[3] Règlement 2018/848 du parlement européen et du conseil, chapitre II : objectifs et principes de la production biologique ; ainsi que l’annexe II, partie 1, point 1.10 sur La lutte contre les organismes nuisibles et les mauvaises herbes ; et l’article 24 sur l’autorisation des produits et substances utilisés en production biologique : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:02018R0848-20180614&from=EN#tocId29
[4] Mildiou de la pomme de terre : maladie provoquée par un micro-organisme présent dans l’air et qui pénètre dans la plante de pomme de terre et la fait flétrir lorsque les conditions de température et d’humidité sont réunies. Responsable de la grande famine européenne des années 1840.
[5] Oïdium : maladie provoquée par un champignon qui provoque un blanchissement puis un flétrissement des feuilles. Très présente en culture de concombre et courgette.
[6] Liste des produits de protection des plantes autorisés en Belgique en agriculture biologique : https://fytoweb.be/fr/guides/phytoprotection/liste-de-produits-phytopharmaceutiques-autorises-en-belgique-en-agriculture
[7] Règlement d’exécution 2019/2164 de la commission européenne, annexe II reprenant la liste des produit phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique ainsi que leurs conditions d’utilisation : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R2164&from=EN
[8] Spinosad : produit issu de la fermentation de deux toxines sécrétées par une bactérie vivant dans le sol. Ce produit agit par contact et par ingestion sur certains groupes d’insectes dont il provoque la paralysie.
[9] Le cuivre fait partie des métaux lourds (nocif pour l’environnement) et s’accumule dans le sol ; le Spinosad est toxique par effet direct pour les abeilles et bourdons. Voici un article de BFM TV sur ce sujet : https://www.bfmtv.com/sante/les-vraies-garanties-du-bio-contre-les-pesticides_AN-201803230032.html
[10] Auxiliaire : organisme vivant élevé et diffusé dans certaines cultures pour gérer des problèmes de maladie. Ils peuvent également être favorisés par certaines pratiques (abris, bandes fleuries, perchoir)
[11] Chélate : forme particulière des minéraux qui les rends plus assimilable par la plante.
Article sur le sujet dans le journal « libération » : https://www.liberation.fr/checknews/2019/02/01/quels-sont-les-pesticides-autorises-dans-l-agriculture-biologique_1706410
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